En 1690, avec la parution de l’Essai sur l’entendement humain, John Locke impose sur la scène européenne un nouveau style d’investigation philosophique : la décision de soumettre l’entendement et ses idées à une analyse descriptive et génétique s’y associe à un certain repli de l’ambition métaphysique. Dans les Nouveaux Essais sur l’entendement humain, rédigés entre 1703 et 1704, Leibniz entreprend de discuter pas à pas les thèses de Locke, telles qu’il peut les lire dans la traduction de Pierre Coste parue en 1700. Il s’efforce d’en dégager les non-dits, et il leur oppose ses propres vues sur l’articulation entre métaphysique, théorie de la connaissance et philosophie pratique.
Diverses par leurs objets, et parfois par leur méthodologie, les dix contributions réunies ici (rédigées par des spécialistes de Locke ou de Leibniz venus d’horizons divers) partagent une commune intention: éclairer cet important moment de l’histoire de la philosophie, rencontre inédite, et tissée de malentendus, entre deux styles philosophiques qui peuvent sembler antinomiques. Par-delà l’exégèse textuelle et historique, l’ambition fut de redonner à chaque auteur une parole vivante, pour mieux évaluer ce qui, aujourd’hui encore, se joue dans l'accord et la dissonance de leurs voix : le caractère sans doute pluriel de la rationalité, tant théorique que pratique.
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